Phytothérapie

J’ai guéri du palu avec l’Artemisia annua !

A l’occasion de la diffusion de “Malaria business” sur France Ô et sur la RTBF, Naturo-Passion consacre un dossier à l’Artemisia annua, une plante dont les résultats contre le palu sont très prometteurs et part à la rencontre de deux protagonistes du film : Alexandre Poussin, globe trotter qui par deux fois a été atteint du paludisme et le Dr Lucile Cornet-Vernet, qui se bat pour faire reconnaître officiellement cette plante comme remède souverain de la malaria, résultats scientifiques à l’appui.

Première partie : Pour Naturo-Passion, Alexandre Poussin, a aimablement donné son autorisation à la reproduction de deux extraits de ses livres “Africa Trek 1” et “Africa Trek 2“, où il relate comment par deux fois il a combattu le palu, grâce à l’Artemisia annua. Une première fois en Tanzanie avec l’Artesunate (médicament à base d’artémisinine, un des composés actifs de l’Artemisia annua), sujet de cette partie, puis en Ethiopie, où il s’est guéri grâce à la plante directement, sous forme de tisane (partie 3).
Extrait du livre Africa Trek 1
Vers midi, au quinzième kilomètre, j’ai la tête dans un étau, mal partout, surtout derrière les yeux, le pouls à 120. Aucun doute possible : le palu ! Je décide un repli vers le dispensaire de la mission, mais je n’en dis rien pour l’instant à Sonia. Pas la peine de l’inquiéter. J’attends qu’une voiture arrive dans l’autre sens pour nous y ramener. Pas la force d’y retourner à pied. Nous avançons, j’essaie de rafraîchir mentalement l’enclume chauffée au rouge par Héphaïstos pervers qui m’a remplacé le cerveau. Et cette voiture qui n’arrive pas…
 
Il faut déjeuner. Nous atterrissons dans la pauvre case d’un planteur de haricots tandis que Sonia chauffe l’eau sur un petit feu, je perçois un gémissement derrière une tenture. Je la soulève doucement : une fillette est allongée, brûlante et délirante, les yeux dans le vague et la bouche ouverte. Son pouls bat à 200. Un grave palu. Depuis combien de jours est-elle dans cet état ? Quatre jours, nous répond le pauvre type. Sa fille est mourante depuis quatre jours, il est à quinze kilomètres d’un dispensaire où la chloroquine est gratuite, et il n’a pas bougé son cul. Misère ! Misère ! C’est vrai après tout, ce n’est qu’une fille. Sonia lui administre un traitement de cheval que je vois me passer sous le nez sans broncher, car je sais un secret que nous serons à la mission ce soir. Je conserve un oeil sur la piste et sors régulièrement pour déceler éventuellement le bruit d’un moteur. Sonia prend ces va-et-vient pour de l’énervement.

En racontant l’histoire de l’Artemisia et de ceux qui se battent pour que cette plante soit largement diffusée, le documentaire Malaria Business met au pied du mur les institutions qui tentent de lutter contre le paludisme depuis 50 ans.
En 2017, la maladie continue de tuer un enfant toutes les deux minutes. Le parasite qui la provoque devient résistant aux médicaments, les moustiques contournent les moustiquaires, et le vaccin promis pour 2018 s’avère décevant.
Pendant ce temps, des chercheurs africains, américains et européens révèlent qu’une simple tisane d’Artemisia peut prévenir et soigner le paludisme.
Utilisée depuis deux millénaires en Chine, cette plante est pourtant déconseillée par l’OMS et interdite en France et en Belgique alors qu’elle est légale au Luxembourg.
(Suite de l’extrait d’Africa Trek)
Nous avons repris la marche depuis dix minutes quand j’aperçois au loin un panache de fumée. C’est alors que je me tourne vers elle : “Ne t’inquiète pas, ma chérie. J’ai moi aussi le palu, je ne t’en ai rien dit car j’attendais une voiture, et la voilà ! On retourne à la mission.”
 
La pauvrette est assommée. Je vois des larmes perler au coin de son petit oeil aimant. En une heure, nous sommes à Mitundu. Nous y retrouvons les soeurs affolées. Un berger wassoukouma s’est fait dévorer ce matin par un lion, à cinq kilomètres, il y en avait quatre, un mâle et 3 femelles, une lionne a été abattue.
 
Panique à Mitundu. Nos coeurs s’emballent : nos lions ! Soudaine envie de gerber. Sonia est livide. Une battue est organisée. Mon paludisme n’intéresse personne. La mère supérieure m’engueule au passage. “Vous voyez que c’est stupide de marcher ainsi dans la brousse ! Vous n’avez pas le droit de faire courir de tels risques à votre femme !” Je m’administre un traitement d’Artesunate, médicament chinois dont je veux essayer l’efficacité. Le père nous loge dans une chambre à côté de la sienne. Le soir, les chasseurs viennent bredouilles. Toute la nuit, ma fièvre grimpe. Je suis dans l’arène et je me bats interminablement avec des hordes rugissantes pleines de griffes et de dents. Qui a dit délire ?
 
Mercredi matin, je vais avec Sonia au dispensaire chercher de l’aspirine. Des hurlements s’approchent dehors, les portes s’ouvrent à toute volée, on amène un homme au bras déchiqueté. Soeur Carmen lui saute dessus, le sang glisse sur les murs, point de compression, un lion, l’hémorragie est contrôlée, les compresses rougies s’entassent, seul son voile reste immaculé. Le geste précis et rapide, la soeur Céline pique entre les trous noirs les lambeaux de chair meurtrie, injection anti tétanique, antibiotique, parle au petit homme qui la dévore des yeux sans broncher, qui ne sait pas s’il parle déjà à un ange, qu’il parle à un ange. Il s’appelle Joseph. Elle tâte ses os comme on remplit de farce un poulet, fouille les plaies béantes à la recherche des tendons et des nerfs et s’écrie :
– C’est un miracle, les dents n’ont rien sectionné. L’artère est intacte. Il s’en sortira ! La tiède et fade odeur du sang, un tantinet ferrugineuse emplit la pièce.
– Vous ne recousez pas ?
– Non, ce serait la gangrène assurée !
Et je vois ces petites mères affairées, s’appliquant à cette boucherie avec le même soin qu’elle fignoleraient une bûche de Noël et je reçois en pleine gueule le vrai nom du courage. Mille naissances par an, des morts tous les jours du palu, du sida et au milieu de tout ce merdier ces bouts de femme arc-boutées…
 
En silence, le geste complice et complémentaire, elles bourrent de tulle les fentes noires, pompent la sève rouge, piquent ici, injectent là, poudroient de la pénicilline partout, efficaces et immaculées tandis qu’autour d’elles gravite la misère du monde. Le petit homme sec a presque plus peur de la caméra de Sonia qui filme la scène que de ses propres blessures. Ses grands yeux noirs, son nez épaté, tout mité par la vérole, son petit front me questionne : l’humanité insondable dans un regard sans fond. Il n’a que la peau sur les os et il allait à son champ gratter la terre pour la faim, tandis qu’une lionne cherchait sa livre de chair…
 
A petits pas, avec la petite soeur tenant levée la cristalline bouteille de glucose, le petit couple blanc et noir, uni par et contre la fatalité, s’en va doucement dans le couloir en se tenant par la taille en quête d’un lit vacant. Sonia me passe la caméra, brise de tremblement et de suées : “Je crois que c’est mon tour !”.
 
Palu. Loi des séries. Test sanguin. Comptage : 70% de cellules Plasmodium vivax, 30% d’hématies. Palu fulgurant. Etat critique. Soeur Céline, petite tyrolienne miniature et chenue, la met ipso facto sous perfusion de quinine, avec en sus une dose antibiotique. Traitement de cheval.
 
La réponse ne se fait pas attendre. Plié en deux, la voilà qui vomit ses tripes, et cela dure et dure, et pas moyen d’arrêter les spasmes. Elle se tord toutes les 20 minutes, se vide de sa bile, s’épuise. Dans une gerbe panique, elle plie le bras et se transperce la veine, une poche de sérum gonfle sous sa peau avec un hématome. Ma fièvre redouble, je frise les 40 degrés. En moins de vingt-quatre heures, nous avons été terrassés…
 
Plein de sollicitude, le père Raphaël nous passe une édition 1939 de Terre des Hommes de Saint-Exupéry. Guillaumet s’y traîne dans la neige… Oh oui ! Se traîner dans la neige ! Faire baisser la fièvre, remplacer le plomb fondu qui bout au fond de mes orbites par deux glaçons silencieux. Et dormir, dormir !
 
Durant la nuit, je retrouve nos copains les lions, cette fois-ci ils m’ont mis au congélo pour me déguster un jour de fête… Sonia ruisselle toute la nuit, elle n’est plus étanche, se crispe en râlant, rien ne sort, rien n’est entré de la journée, ses cheveux sont devenus une serpillère. Elle faiblit. Berezina.
 
Jeudi matin, j’ai un cours répit, le père m’emmène voir Joseph : on vient lui refaire son pansement. Il raconte son histoire au père qui me traduit dans la foulée. Il est nduvu, une tribu du sud apparentée aux pygmées d’Afrique centrale. Il allait à son champ quand, des herbes, a bondi la lionne. Il l’a empoignée à la gorge de son bras valide, mais ne doit son salut qu’à son suiveur qui portait une lance. Au premier coup dans les côtes, la lionne a lâché prise mais a remordu aussitôt ! Il a fallu une deuxième estoc bien placé pour qu’elle crève. Le lion et les deux autres lionnes qui la suivaient ont aussitôt pris la fuite.
 
Cela fait deux lionnes en deux jours. Le groupe de quatre se reconstitue comme par sorcellerie. Nous n’avons pas quitté Joseph que la nouvelle tombe comme un couperet : sur la piste il y a une heure, un berger vient de se faire tuer ainsi que son chien et l’une ses vaches. Nous sommes glacés. Encore une lionne, abattue peu après d’un coup d’arquebuse antique. L’hécatombe ! Notre palu nous a peut-être sauvé la vie. Mitundu est cerné, la mission assiégée, et le père effaré : “En saison des pluies, le gibier est très dispersé à cause d’une ombre de trous d’eau éparpillés en brousse. Les lions n’arrivent pas à mettre en place leur arène de chasse, ils sont aussi trahis par les hautes herbes, alors ils ont tendance à se rapprocher des villages. Mais là, je n’ai jamais vu une chose pareille !”
 
L’après-midi, je repique, tremble, frémis, claque des dents à m’en déboîter la mâchoire. Les soeurs doutent de la méthode chinoise. Je résiste au paracétamol jusqu’à quarante degrés pour faire cuire, bouillir ces petites saloperies. Je sens le combat dans mes veines. Sonia dort dans son jus, verdâtre, puis j’émis une plainte. Le radeau de la Méduse vient de s’échouer dans la chambre. Elle appelle sa mère, elle veut rentrer à la maison. V’là autre chose ! Vacherie de maladie ! Elle n’en peut plus. Elle demande grâce. Je vais dîner en titubant, comme un petit vieillard. Nous ne nous plaignons pas, Joseph est là pour nous rappeler ce à quoi nous avons échappé.
 
A l’aube de vendredi, je suis guéri, sans autre forme de procès. Je redécouvre la vie, la légèreté, l’équilibre, la jeunesse. Vivax  est mort ! Vive Vivax ! Les soeurs sont sciées. Sonia périclite. Elles ne savent plus où percer, ses veines fuient, son derrière renâcle sous les intramusculaires. Troisième jour sans manger. J’assiste impuissant à sa souffrance. D’habitude c’est moi le maillon faible et fais un bien piètre garde-malade…
 
Une lionne est morte empoisonnée cette nuit. Cela fait quatre en quatre jour. Nous partons voir le corps avec le père Raphaël. Je cherche un crâne de lion pour ma collection. Nous descendons la piste qui nous a conduit jusqu’ici, je me souviens de chaque buisson. La lionne morte est chez le chef Mlicho. Déjà dépecée, la peau tendue, le corps calciné : ils ne traînent pas. Le chef wanakyusa nous donne sa version des faits.
 
– Notre sorcier a appelé les lions pour punir les Wassoukoumas qui volent nos femmes et nos épis de maïs, mais nous allons enduire de miel les chaumes secs et leurs vaches vont mourir de soif…
 
Dumézil et Lévi-Strauss à la rescousse ! On a besoin d’une interprétation ! C’est trop pour mon palu convalescent. Mais d’après ce que nous parvenons à comprendre, nos pauvres lions occis vont servir de prétexte pour relancer l’éternelle querelle entre nomades et sédentaires.
 
A mon dépit devant le crâne réduit en cendres, le chef Mlicho me confie :
– Il y en a un autre dans la brousse, par là ! Une lionne qu’on a coupée en deux le mois dernier.
 
Cela fait cinq. Nous la trouvons sans peine dans un fourré hors du village. Le squelette est déjà blanchi, le crâne intact. Je l’emporte sous le regard en coin du chef qui s’adresse au père :
– Qu’est-ce qu’il veut en faire ton ami, il est sorcier blanc ?
– Non, lui répondit-il, il fait collection de crânes.
 
Le chef est content de me voir partir.
 
A notre retour, Sonia jette l’éponge. L’heure est grave. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Tout en préparant son rapatriement sanitaire, je décide d’interrompre son traitement de quinine dont je suspecte qu’il lui fait plus de tort que le paludisme. En effet, l’après-midi, elle va déjà mieux, et son test se révèle négatif. Elle n’a plus de malaria mais elle est très affaiblie.
Extrait reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.
Pour découvrir son livre (cliquer sur l’image) :
A suivre, 2ème partie : interview du Dr Lucile Cornet-Vernet.
Portez-vous bien !
 Florian KAPLAR
Diététicien-Naturopathe
© Naturo-Passion.com

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