Jeûne

Herbert Shelton, grande figure du jeûne

Herbert_Shelton_Naturo-Passion
Comme je vous l’avais annoncé lors de l’interview de Thierry de Lestrade au sujet de son livre “Le jeûne, une nouvelle thérapie ?”, celui-ci m’ a aimablement autorisé à reproduire un extrait de son livre qui retrace le parcours d’Herbert Shelton, grande figure du jeûne.
Selon Wikipédia, Herbert Macgolfin Shelton (1895 – 1985) fut un éducateur de santé aux États-Unis, végétarien et défenseur des régimes de nourriture basique. Il fut désigné par le Parti des végétariens américain pour concourir à la présidentielle des États-Unis en 1956.
Considéré comme le père des dissociations alimentaires, il a été le fondateur de l’hygiénisme, une médecine non conventionnelle qui prône l’autoguérison, le crudivorisme, le jeûne et la naturopathie.
Après sa mort, ses successeurs continuèrent son œuvre, qui continue à être propagée à travers le monde. Certains de ses livres, tel que Le Jeûne (en téléchargement gratuit à la fin de cet article) et Les Combinaisons alimentaires, sont devenus des classiques en naturopathie.
Extrait du livre “Le jeûne, une nouvelle thérapie ?”

Herbert Shelton, grande figure du jeûne

S’il se pose en héritier de Dewey et de Tanner, l’influence de Shelton sera plus importante que celle de ses prédécesseurs. Grand prosélyte du jeûne, vulgarisateur des méthodes « naturelles », il publie pendant quarante ans le mensuel Hygienic Review… qu’il écrit entièrement de sa main. Auteur prolifique de plus d’une vingtaine d’ouvrages, son plus connu reste certainement The Science and Fine Art of Fasting (1934) (La Science et l’art du jeûne). C’est toujours l’un des ouvrages de référence en la matière.
Gandhi est si impressionné par ce livre (qu’il garde près de lui lors de ses nombreux jeûnes de protestation) qu’il invite Shelton en Inde (1) : le Mahatma propose à l’hygiéniste de donner des cours de jeûne et de nutrition pendant six ans dans les universités du pays. Mais nous sommes en 1942, la guerre fait rage, Shelton doit reporter son voyage… qui ne se fera pas à cause de l’assassinat de Gandhi.
« Je suis né dans une tempête, et presque toute ma vie a été une tempête », dira Shelton (2). Enfant, il est élevé dans une ferme et passe son temps à observer patiemment les animaux. Très tôt, il remarque que ceux-ci cessent de se nourrir lorsqu’ils sont malades. Le jeune homme se passionne pour la nutrition et souhaite devenir médecin. Mais la Première Guerre mondiale éclate, Shelton devient pacifiste, manifeste contre la conscription et fait son premier séjour en prison.
À la fin de son service civil, il ne trouve aucun programme dans les écoles officielles de médecine qui puisse convenir à ses aspirations. Le voilà condamné à choisir un autre type d’école… et donc à ne jamais obtenir le titre officiel de médecin. C’est son drame. L’élimination de toutes les écoles qui professaient des méthodes de soin différentes le conduit, comme d’autres soignants, à prendre des voies parallèles. Des voies « interdites ». Shelton se forme ainsi à l’école créée par Bernarr MacFadden à Chicago. Il y obtient le titre de docteur en naturopathie, mais ce diplôme, selon la loi, ne lui donne pas le droit de soigner qui que ce soit. Ainsi l’AMA choisit qui peut soigner et qui ne le peut pas.
Shelton s’installe à New York et écrit régulièrement dans Physical Culture, le magazine de MacFadden, où il défend avec brio la pratique du jeûne. Dans le même temps, il ouvre un cabinet dans lequel il donne des conseils de nutrition… et préconise le jeûne. Ses ennuis commencent. Shelton est dénoncé à plusieurs reprises par de faux malades envoyés par l’AMA, ou bien interpellé par des agents du FBI qui se font passer pour des patients. Durant la seule année 1927, il est condamné à trois reprises à quelques jours de prison pour exercice illégal de la médecine. Comme il le souligne lui-même avec ironie, conseiller quelqu’un sur la manière de vivre, de dormir, de manger et d’éviter les médicaments, est-ce de la pratique de la médecine ? À la prison s’ajoutent plusieurs amendes qui le laissent sans le sou.
Il quitte finalement New York avec sa femme et ses deux enfants pour San Antonio (Texas). Les lois n’y sont pas moins rigides (les agents de l’AMA et du FBI seulement moins nombreux) et Shelton ne s’assure une relative tranquillité qu’au prix d’un subterfuge : il crée en dehors de la ville une « école de santé » où les élèves apprennent les principes d’une bonne santé (nutrition, exercices…). En réalité, les « élèves » sont des patients qui viennent pour jeûner. Mais la pression s’accentue et, en 1932, Shelton est de nouveau arrêté alors qu’il donne une conférence sur le jeûne à New York. La sanction est lourde : un mois d’emprisonnement dans le pénitencier de Rikers Island… Pour une simple conférence.
Shelton ne désarme pas et poursuit son travail dans son « école », où il prend en charge une large gamme de malades, souffrant de maladies chroniques (rhumatisme, allergies, asthme, douleurs abdominales…) et aussi de maux plus aigus comme la typhoïde, la pneumonie, l’appendicite… À moins d’être à un stade terminal, quiconque cherche des soins différents peut trouver refuge chez lui. Pourtant les attaques sont permanentes. Les associés de Shelton dans la « société hygiénique » (The American Natural Hygiene Society) qu’ils ont créée en 1948 seront envoyés en prison : Gerald Benesh est condamné en 1952 à trois mois de travaux forcés et à 1 000 dollars d’amende pour « exercice illégal de la médecine » dans son « école de santé » d’Avon (Ohio) ; Christopher Gian-Curso écope d’un an d’emprisonnement à Rikers Island en 1953 pour le même motif. Tous les deux font jeûner leurs patients. Dans les deux cas, aucun malade n’a été blessé ou ne s’est plaint. Juste l’implacable volonté d’extirper le « mal ».
Conscient qu’un simple accident, qu’une simple plainte d’un malade déçu suffiraient à l’abattre, Shelton est soumis à un stress permanent. Malgré la grande variété de patients qu’il accueille, aucun accident ne peut lui être imputé pendant les quarante années de fonctionnement de son centre – à une exception près, j’y reviendrai. Aucune pression, aucune attaque, ne l’empêche d’accueillir les désespérés du système médical, d’écrire et de publier. Ses livres sont lus à l’étranger et inspirent de nombreux disciples (3).
Shelton continue, car il est persuadé d’être dans le vrai. Il sait que la « science » médicale est relative, que les excommuniés d’un jour seront les héros de demain : « La profession médicale, écrit-il, a stigmatisé toute nouvelle découverte comme du charlatanisme, jusqu’à ce qu’elle soit obligée de la reconnaître. Leur discours change alors d’un coup : ce n’est pas nouveau, nous le savions depuis des années, nous disent- ils alors. Ils ont accusé Harvey de charlatanisme lorsqu’il a découvert la circulation sanguine, ils ont dénoncé Gaul quand il a prouvé que le cerveau était l’organe de la pensée. La profession médicale a poussé Semmelweis vers la tombe […] quand il a découvert que des médecins tuaient des femmes en couches à cause de leurs mains sales. »
C’est peu après ses quatre-vingts ans que Shelton doit affronter un dernier cataclysme. En 1978, un patient venu soigner une colite ulcéreuse (les médecins lui proposaient une complète colostomie qui le condamnait à vivre avec une poche pour le restant de ses jours) est pris d’un malaise. L’assistante de Shelton demande au patient de rompre son jeûne, il refuse. Deux jours plus tard, autre malaise. Le patient est finalement accompagné jusqu’à l’hôpital par une infirmière, mais il meurt le lendemain d’une crise cardiaque. Peu importe que le médecin de garde ne lui consacre que cinq minutes de consultation, que le personnel de l’hôpital ne se rende compte de sa mort que trois heures plus tard, Shelton est condamné à verser 890 000 dollars à la veuve du patient. Ruiné, il est obligé de fermer son « école » et de la vendre.
Herbert Shelton aura supervisé 35 000 jeûnes dans sa carrière. Lui-même jeûnait dix jours par an (« pour se maintenir en forme », disait-il), son jeûne personnel le plus long aura été de vingt-neuf jours… lors d’un de ses séjours en prison.

NOTES
(1) Gandhi ne croyait pas seulement à la force de protestation du jeûne, il était persuadé de ses bienfaits pour la santé. Dans un article de l’hebdomadaire Young India, il conseille aux lecteurs de jeûner en cas de constipation, d’anémie, de fièvre, d’indigestion, de maux de tête, de rhumatismes, de goutte, d’anxiété ou de colère, de dépression enfin (cité par Louis FISCHER, The Life of Mahatma Gandhi, Harper and Brothers, New York, 1950, p. 233).
(2) Cité par Jean OSWALD, Yours for Health. The Life and Times of Herbert Shelton, Franklin Books, Franklin, 1989, p. 149.
(3) Un exemple parmi d’autres : en 1945, un jeune étudiant égyptien, Albert Mosséri (1925-2012), tombe sur un livre de Shelton dans une librairie du Caire. Convaincu, il poursuit des études sur la naturopathie et l’hygiénisme à Londres puis s’installe en France, où il ouvre la « Maison de l’hygiène naturelle » dans les années 1960. En trente-cinq ans, il supervisera dans son centre 4 000 cures de jeûne, accueillant des patients venant de toute l’Europe de l’Ouest et du Maghreb.
(4) Clive M. MCCAY et Mary F. CROWELL, « Prolonging the life span », The Scientific Monthly, vol. 39, nº 5, novembre 1934, p. 405-414.

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Le livre de Thierry de Lestrade, un incontournable à tous ceux qui veulent se documenter sur le jeûne

Le documentaire éponyme

Le livre d’Herbert Shelton (téléchargement gratuit)
Le jeune Shelton
Retrouvez tous mes articles sur le jeûne en cliquant ici.
Portez-vous bien !
 Florian KAPLAR
© Naturopathie Passion

6 réflexions sur “Herbert Shelton, grande figure du jeûne

  • Merci beaucoup Florian!
    J’ai lu grace a vous (et gratuitement) le livre exceptionnel de SHELTON
    ”Le jeûne”.
    Vous l’offrez a la fin de votre article ”Herbert Shelton, grande figure du jeûne”, je recommande a chacun de telecharger ce livre precieux, c’est un enseignement majeur.
    Encore un grand merci.

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  • Merci Florian. Ce livre est passionnant. Je ne peux jeûner en ce moment … Parce que je le dévore ! Je diffuse autour de moi (enfin, je suis obligée de faire un tri parce que tout le monde n’est pas capable d’entendre autre discours que l’officiel). Mannick

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  • Je veux parler du livre sur le jeûne de Shelton.

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