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Les phytoestrogènes

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Les plantes fabriquent naturellement des substances qui, une fois ingérées, ont des propriétés oestrogéniques ou anti-oestrogéniques. On les désigne de façon plutôt inexacte phytoestrogènes (oestrogènes des plantes).
Ces molécules occupent aujourd’hui une place à part dans la panoplie thérapeutique de la ménopause. Partons à leur découverte avec le Dr Michèle Serrand, auteur de « La Nouvelle Ménopause ».

Histoire d’une découverte

Au début des années 1940, une mystérieuse épidémie d’infertilité chez les brebis manqua de décimer les élevages de moutons du Sud-Est australien. Désespérés, au bord de la ruine, les fermiers mirent successivement en cause des mutations génétiques, les radiations et les pesticides. Il fallut attendre 1946 pour que le ministre de l’Agriculture identifie le responsable : la variété de trèfle (Trifollum subterraneum) que les éleveurs avaient plantée quelques années plus tôt. Personne ne se doutait alors que cette plante fabrique naturellement des quantités considérables (5% de son poids sec) de substances qui, une fois inférées, miment les hormones femelles. On les appelle phytoestrogènes. Mais l’intérêt de ces molécules pour la santé et le bien-être des femmes à la ménopause a été pressenti à la suite d’observations épidémiologiques dans les pays asiatiques. En effet, les femmes asiatiques souffrent très peu de bouffées de chaleur. Moins de 2% des Japonaises et des Chinoises s’en plaignent contre 85% des Nord-Américaines et 75% des Européennes. Elle ont eu en outre beaucoup moins de maladies cardio-vasculaires, de cancers du sein et d’ostéoporose.
Les chercheurs ont essayé de trouver ce qui, dans le mode de vie des femmes asiatiques, pouvait expliquer ces avantages. Ils ont remarqué également que lorsque ces femmes émigraient aux Etats-Unis par exemple, en adoptant le mode de vie occidental, elles étaient touchées petit à petit par les mêmes problèmes que les femmes occidentales.
Les chercheurs en ont conclu que cette différence provenait certainement de l’alimentation des femmes asiatiques et en particulier de leur grande consommation de soja qui est l’aliment le plus riche en phytoestrogènes.

Le soja, noble nourriture
Le plus ancien livre de la Pharmacopée chinoise, le Shen Nong Ben Cao, parle déjà du soja en 2 700 avant J.-C. Le tofu fabriqué à partir du soja depuis quatre millénaires est à la base de la nourriture des Chinois. Il a été introduit au Japon et en Corée par des moines bouddhistes entre les IIème et VIIème siècles. A la cour de l’empereur chinois, le tofu était reconnu comme une noble nourriture. Dans les pays asiatiques, le soja est une base de l’alimentation depuis plusieurs siècles : les protéines du soja constituent 20 à 60% des protéines totales consommées.

Comment agissent les phytoestrogènes ?

La majorité des études scientifiques concernant les phytoestrogènes ont été effectuées sur le soja et les isoflavones de soja.

Des substances très actives

Lorsque les isoflavones du soja arrivent dans l’estomac, elles sont hydrolysées. Elles passent ensuite dans l’intestin où elles sont transformées par les bactéries intestinales en génisteine et daidzéine. Ce sont ces substances qui sont actives. De nombreux paramètres influencent cette transformation ce qui explique que l’on observe des taux sanguins différents d’un individu à l’autre.Parmi ces paramètres, il y a la qualité de la flore intestinale, la vitesse du transit, le pH. C’est la génistéine qui a été la plus étudiée à ce jour.

Quelle est la consommation occidentale d’isoflavones ?
On estime qu’elle ne dépasse pas 5 mg par jour alors que, pour les populations asiatiques, elle serait de 25 à 45 mg par jour. Ce sont les Japonais qui absorbent le plus d’isoflavones avec une consommation quotidienne de produits dérivés du soja estimée à 200 mg par jour. Enfin, certains experts considèrent que la consommation d’isoflavones peut même atteindre 250 mg par jour pour certaines populations asiatiques.

Les deux faces des isoflavones

Les isoflavones ont une structure chimique qui s’apparente à celle des œstrogènes. Du fait de cette ressemblance, ces molécules peuvent se lier aux même récepteurs mais elles ont des effets variables selon les organes cibles. Il semble que les isoflavones se comportent en fait comme des SERM (modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes).
Explications. Les chercheurs ont découvert récemment qu’il existait deux types de récepteurs estrogéniques : les récepteurs de type alpha et ceux de type bêta dont la répartition varie en fonction des tissus. Les isoflavones ont 6 fois plus d’affinité pour les récepteurs bêta que pour les récepteurs alpha.

Ainsi les isoflavones possèdent une action estrogénique sur certains tissus (cerveau, os, poumon, vaisseaux, vessie…) et antiestrogénique sur d’autres (ovaires, sein, utérus…)

Des effets variables

Si la répartition des récepteurs varie en fonction des tissus, la densité de ces récepteurs varie, elle,d’une femme à l’autre. Ceci pourrait expliquer l’efficacité inconstante des isoflavones de soja.

Les bénéfices des extraits de soja

Depuis la découverte de l’activité estrogénique des isoflavones, la recherche est en effervescence. Pris en complément de l’alimentation, les extraits de soja diminuent les bouffées de chaleur. Et leurs bénéfices ne s’arrêtent pas là.
Les femmes peuvent se procurer en pharmacie des compléments à base de soja, riche en isoflavones, qui les aideront à surmonter la période chaotique de la ménopause.

Efficacité sur les bouffées de chaleur démontrée

Onze études cliniques en double aveugle ont testé l’efficacité des extraits de soja chez des femmes ménopausées. Cinq prouvent clairement l’efficacité des isoflavones prises en complément de l’alimentation. Une ne montre pas d’effet et les cinq autres trouvent un effet comparables à celui du placebo. Pour le professeur Mark Messina (Loma Linda University, Etats-Unis), qui est l’un des meilleurs spécialistes de l’action du soja sur la santé, l’action des isoflavones de son sur les bouffées de chaleur est positive. Il observe, en revanche, qu’elle n’est pas identique pour toutes les femmes et pour tous les produits ; certaines femmes répondent plus rapidement à la prise d’isoflavones que d’autres. Ceci serait lié à deux éléments importants.
Tout d’abord la qualité du produit et la quantité prise chaque jour – il faut 70mg par jour d’isoflavone dont 2% au moins de génistéine -, ensuite, la faculté individuelle à transformer les isoflavones en produits actifs dans le sang. L’une des études est française. Chez des femmes souffrant de bouffées de chaleur très invalidantes, les chercheurs ont observé que la prise quotidienne d’un extrait standardisé de soja Phytosoya (soit 70mg d’isoflaones) permet une diminution de 65% des troubles contre seulement 28% dans le groupe ayant reçu le placebo.

Des os plus solides : le secret des Asiatiques

Des études épidémiologiques ont permis de constater que l’incidence des fractures de la hanches est bien plus faible en Asie qu’en Occident. Les Japonaises ont ainsi un risque de fracture inférieur de 40% à celui des Américaines. Les phytoestrogènes seraient-ils à l’origine de la solidité des os des Asiatiques ? C’est ce que les chercheurs tentent de comprendre.
Après quelques travaux positifs sur le modèle animal (rates ovariectomisées), commencent maintenant les premières études d’intervention chez l’homme. Et elles sont plus nombreuses.
Comment expliquer cela ?
Les isoflavones pourraient intervenir dans le processus de remodelage de l’os par leur action estrogénique. Elles stimuleraient l’activité des ostéoblastes et simultanément inhiberaient la résorption osseuse. Ceci semble confirmé par le fait que ce ralentissement de la perte osseuse essentiellement observé au niveau de la colonne vertébrale. En effet, les vertèbres sont constituées d’une infraction très importante d’os spongieux, le tissu osseux qui se renouvelle le plus vite et qui est le plus souvent sensible aux œstrogènes.

Le soja prévient les maladies chroniques graves

Les femmes qui mangent du soja ou qui le prennent sous la forme de complément alimentaire ont un risque plus faible de maladie cardiovasculaire et de cancer. C’est ce qui ressort de l’ensemble des études sur le sujet.
En terme de santé cardiovasculaire, les Asiatiques sont également mieux loties que nous? Certes leur alimentation est riche en fibres d’origine végétale et contient peu de graisses saturées, ce qui constitue déjà un avantage, mais le rôle particulier du soja dans cette protection est également fortement suspecté.
Les études menées chez l’animal et chez l’homme montrent que les isoflavones ont une action sur les lipides sanguins et diminuent ainsi le risque de maladies cardiovasculaires. Elles réduisent significativement le « mauvais cholestérol » (LDL), les triglycérides et augmentent le « bon » cholestérol (HDL).
Antioxydantes, les isoflavones protègent aussi le cholestérol des attaques des radicaux libres. Elles s’opposent à la formation des plaques d’athérome – à l’origine des infarctus – par une action directe sur le paroi vasculaire. Enfin, une étude récente montre que le soja diminue l’homocysteines alimentaires toxique pour les artères.
Ces bénéfices apparaissent à partir de 50 mg d’isoflavones soit 25 g de protéines de soja par jour.
La Food and Drug Administration des Etats-Unis (FDA) a récemment permis aux fabricants d’aliments à base de soja d’indiquer sur leurs emballage qu’un tel régime peut diminuer le risque cardiovasculaire.
Soja produits dérivés

Prévention des cancers du sein, des ovaires, de l’endomètre

Les isoflavones ont fait naître beaucoup d’espoirs dans la prévention des cancers hormone-dépendants. Les femmes asiatiques dont l’alimentation est riche en phytoestrogènes ont 6 fois moins de cancer du sein que les occidentales. Le risque de ces cancers augmente quand elles émigrent aux Etats-Unis. Les femmes d’origine japonaise nées aux Etats-Unis ont un risque presque identique à celui des Américaines.
Plusieurs études ont trouvé des concentrations plus faibles de lignanes et d’isoflavones dans l’urine de patientes atteintes d’un cancer du sein par rapport à des femmes en bonne santé. Des études in vitro ont effectivement montré un effet protecteur mais il est trop tôt pour apporter une réponse définitive.
Les chercheurs expliquent cette protection par les effets sélectifs des isoflavones selon les tissus.

Les isoflavones protègent-elles des autres cancers ?

Les recherches se multiplient. On a trouvé plusieurs très intéressantes.
Au bout des études, l’espoir
Les études in vitro sont réalisées en la moratoire sur des cellules animales ou humaines.
Elles montrent que :
• les phytohormones sont antioxydantes ;
• elles inhibent la vascularisation des tumeurs, donc l’apport de sang à la tumeur (angiogénèse) ;
• elles induisent la mort de la cellule cancéreuse par apoptose ;
• elles inhibent une enzyme spéciale qui s’appelle l’aromatase, qui transforme normalement les androgènes en œstrogènes au niveau de la glande mammaire ;
• elles inhibent la prolifération des cellules tumorales des cancers du foie, du sein, des mélanomes et des cellules leucémiques ;
• elles inhibent la dédifférenciation des cellules des mélanomes, des carcinomes embryonnaires et des cellules leucémiques.
Au total, dans les cultures de cellules cancéreuses, les phytohormones empêchent leur développement. Ces différentes actions varient selon les doses utilisées.
Chez l’animal, elles ont une action préventive sur certaines cancers : cancer du côlon, cancers chimio-induits, cancer du foie, cancers des glandes mammaires, cancer de la prostate. La consommation de soja empêche l’accroissement des tumeurs de la prostate, du sein et du côlon.
Chez l’homme, les études épidémiologiques montrent que la consommation de soja est associée à un risque plus faible de cancer pulmonaire, de leucémie et de cancer de la prostate.

Un complément très utile

Au total, les isoflavones de soja présentent de nombreux bénéfices pour la santé et le bien-être des femmes au moment de la ménopause. Prises sous forme de complément alimentaire, elles sont très utiles pour toutes celles qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas bénéficier du THM.
Pour optimiser l’efficacité de ces produits, il est important d’avoir une bonne flore intestinale, ce qui nécessite une bonne diététique. Les premiers effets se font sentir à partir de 50 mg d’isoflavones de soja par jour.
Pour une action plus complète, notamment au niveau osseux et cardio-vasculaire, on peut augmenter sans risque les doses et consommer jusqu’à 70 mg par jour.
Cet article est extrait du livre “La nouvelle ménopause” du Dr Michèle Serrand, reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur.

Mon livre : Le soja, ce qu’il faut savoir

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