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Bêtes humaines ? pour une révolution végane

Bêtes humainesPréfacé par Michel Onfray (pour qui “le végane est le radical qui pense là où ça fait mal” et dont vous trouverez ci-après les meilleurs extraits), ce livre est dirigé par la militante végane, Méryl Pinque, qui ne mâche ses mots et bouscule l’ordre établi ainsi que vous pourrez le voir dans l’interview qu’elle a accordée à Naturo-Passion.
Consciente que le monde ne changera pas du jour au lendemain, elle table néanmoins sur le déclin de l’exploitation des “non-humains” que seule le véganisme peut permettre d’envisager.
L’installation dans notre pays d’une agriculture de plus en plus industrialisée avec ces fermes-usines traitant l’animal (ou le non-humain) comme une vulgaire marchandise ne semble toutefois pas, hélas, aller dans le sens de cette société idéalisée.
A lire d’urgence.
 

Citations de la préface par Michel ONFRAY

“Le progrès existe en matière de morale, et le rapport que nous entretenons aux animaux s’avère être un marqueur sévère et efficace pour vérifier l’état d’avancement de nos consciences”.

“On sait depuis Pascal que ce qui paraît juste ici ne l’est pas ailleurs. Tuer un chaton et s’en réjouir sur le Net est passible d’emprisonnement ; tant mieux. Tuer des milliers de
vaches quand on est boucher dans un abattoir industriel, c’est faire son travail et mériter 
une médaille pour bons et loyaux services rendus à l’entreprise lors de son départ à la retraite. Plaisante justice qu’une rivière borne !”

“Ce que les végans proposent, c’est le franchissement de cette rivière. Ils demandent : pourquoi deux poids, deux mesures ? Si tuer un chaton est coupable, pourquoi tuer des milliers de vaches ne l’est-il pas ? Parce qu’on caresse le premier et que l’on a
l’habitude de se nourrir des seconds ? Ou que l’immensité du massacre est, au sens 
étymologique, impensable, impossible à penser ?”

“Le végan est le radical qui pense là où ça fait mal sur ce sujet. Et penser où ça fait mal devrait toujours être le lieu où un philosophe digne de ce nom devrait s’installer afin de penser ce qui mérite de  l’être”.

“Radical le végan ? Oui, radical. Radical, mais juste, très juste quand on y pense… Car il ne saurait y avoir de bonnes et de mauvaises souffrances : la souffrance du bigorneau vaut celle du grand singe, mais celle du grand singe vaut aussi très exactement celle de
l’homme”.

“Il est intolérable que tant de souffrances soient infligées aux animaux – la grandeur de la philosophie, c’est toujours de diminuer la souffrance sur la planète et d’augmenter son contraire. Les végans ont donc raison sur ce sujet”. 

Interview de Méryl PINQUE directrice du projet

1/ Bonjour Méryl, pouvez-vous nous dire qui vous êtes, ce que vous faites et ce qui vous a amenée à militer pour la protection animale ?
Je suis écrivain et critique littéraire. Je pourrais presque dire que je suis née telle que je suis, puisqu’à l’école primaire déjà je militais, comme un enfant du moins peut le faire, pour les animaux. Par exemple, j’avais demandé à mes parents de m’offrir pour Noël un très grand boa en tissu vert rembourré, afin d’effrayer — du moins le croyais-je alors — les chasseurs dans la forêt. J’ai grandi dans l’Ain, un département dont l’économie repose presque entièrement sur l’exploitation animale, et il est certain que cela m’a aidée à faire le lien entre la viande qui se trouvait dans mon assiette et les animaux que je voyais dans les champs. Assez étrangement pourtant, et alors même que j’ai assisté là-bas à des scènes pénibles (je pense notamment à une vente de billets de tombola pour l’école qui m’a amenée à passer, avec une camarade, devant une ferme où deux porcs fraîchement tués étaient pendus tête en bas et ventre ouvert), ce n’est pas dans ma région natale que le déclic eut lieu, mais dans le Var où je passais mes vacances d’été.
J’avais alors cinq, six ans et j’ai vu le jeune homme de la villa voisine pêcher un poulpe avec un fusil sous-marin. Quand il l’a sorti de l’eau, le poulpe était encore vivant et pour le tuer, il l’a frappé sur les rochers. J’entends encore résonner le bruit mat des chairs humides sur la pierre. D’ailleurs, ce bruit me hantera toute ma vie. L’année précédente, mon père avait voulu m’apprendre à pêcher et m’avait mis dans les mains une canne de sa fabrication. La canne était très rudimentaire : une simple tige de bambou munie d’un fil et d’un hameçon sans appât. L’incroyable se produisit : un poisson se laissa prendre à ce misérable piège, dont la logique eût pourtant voulu qu’il ne fonctionnât pas. Je me rappelle très bien ma réaction, en dehors du fait qu’elle frappa mes parents qui en parlèrent longtemps : je me mis à hurler en voyant ce pauvre poisson que j’avais pris. Sans savoir vraiment ce qu’était la mort, j’avais néanmoins une conscience très nette de ce que j’avais commis et de ce qui était en train d’arriver. Mon père, devant mes pleurs, a immédiatement relâché le poisson qui s’en est tiré, j’aime à le croire, sans trop de dommages.
En grandissant, mon sentiment de culpabilité vis-à-vis des animaux s’est accentué (la conscience d’être coupable est à mon sens une excellente chose lorsqu’elle est fondée, et concernant les animaux, elle l’est incontestablement), mon esprit critique s’est aiguisé et j’ai commencé à me documenter sur l’envers du décor. Internet n’existait pas à l’époque et trouver l’information était beaucoup moins aisé qu’aujourd’hui ; il fallait y mettre de la volonté, de la curiosité, et je ne manquais heureusement ni de l’une, ni de l’autre. J’ai alors remis mes habitudes alimentaires en question et suis devenue végétarienne aux alentours de 15-16 ans. Mes parents m’ont imitée un an plus tard. A 23 ans je suis devenue végane, car il était temps que j’aligne enfin mes actes sur mes idées. Je n’aurais plus pu me regarder en face si je n’avais pas franchi ce pas décisif. Imagine-t-on un humanitaire réduire autrui en esclavage, lui imposer les pires souffrances et la mort en fin de parcours, avant de le cuire et de le dévorer ?… Bien sûr que non, et il ne fait aucun doute à mes yeux qu’un « ami des animaux » se doit lui aussi de respecter intégralement ceux qu’il prétend défendre. Sinon, j’imagine que c’est un traître à sa cause, ne croyez-vous pas ?…
Pour revenir brièvement sur mes années scolaires, je me souviens des débats houleux soulevés par mes convictions en classe de philosophie, en terminale. Même mon professeur, qui pourtant m’aimait bien, finit par participer à la curée, à son niveau du moins. J’ai souffert durant presque toute ma scolarité de ce qu’il faut bien appeler une mise au ban en raison notamment de mes idées sur les animaux. J’étais différente, et dans ces cas-là les gosses sont sans pitié. L’école est un microcosme, et j’avoue y avoir développé mon sens de l’observation de mes « semblables dissemblables » comme je les appelle, et peut-être un certain cynisme teinté d’humour noir. Le fait est que j’ai toujours eu une assez piètre opinion de ma propre espèce. Je ne l’ai jamais trouvée à la hauteur de sa légende.
2/ Comment est né ce projet de livre ?
Un beau jour de l’année 2009, j’ai réuni autour de moi quelques amis végans abolitionnistes (mes contributeurs Gary Francione, Valéry Giroux, Patrick Llored et Gary Steiner) et leur ai lancé l’idée de ce livre que nous avons écrit sans certitude qu’il soit un jour publié. Quand nous l’avons eu terminé, j’ai commencé à l’envoyer classiquement par la poste à plusieurs éditeurs. En décembre 2011, je signai pour La Caricature de Dieu, mon recueil de nouvelles paru depuis au Rocher, un contrat avec une maison que je ne nommerai pas – contrat que l’éditeur rompit de manière totalement arbitraire quinze jours avant la mise sous presse. Comme il devait également publier notre essai (qui avait alors pour titre Le Véganisme éthique. Pour la fin de l’exploitation animale), et comme il n’était plus question pour moi de demeurer dans son sillage, j’ai pris sur moi de le lui retirer. C’était un geste périlleux puisque nous nous retrouvions sans éditeur, mais il me fallait l’accomplir. Par la suite, Michel Onfray sollicita heureusement notre livre, si bien que nous avons aujourd’hui la satisfaction de le voir publié dans sa collection aux éditions Autrement, même si tout n’alla pas selon notre désir : ainsi le mauvais titre (mauvais parce qu’anthropocentrique) Bêtes humaines nous fut imposé, tout comme la préface que nous récusons dans sa quasi-totalité.
3/ Comment voyez-vous l’avenir du végétarisme en France ? 

D’abord, permettez-moi de dire que je considère le végétarisme comme nul et non avenu. Le végétarisme est un régime alimentaire qui nuit aux animaux, puisque tout produit d’origine animale suppose leur exploitation. Si vous ne mangez pas de viande mais que vous consommez œufs, produits laitiers, miel, laine, cuir, fourrure ou soie, certes vous êtes végétarien, mais vous nuisez autant aux animaux qu’un omnivore. Le végétarisme est le régime de ceux qui n’osent pas, ou ne veulent pas aller au bout de leurs convictions. Le végétarisme est le régime des tièdes, de ceux qui ne s’engagent jamais jusqu’au bout, de ceux qui ne pensent pas réellement que l’animal non humain est leur égal. Je ne parle pas ici des personnes qui désirent s’orienter un jour vers le véganisme et considèrent le végétarisme comme une étape, mais bien de celles qui refusent tout net de devenir véganes. Le véganisme étant le seul mode de vie ne reposant pas sur l’exploitation animale, c’est par conséquent de l’avenir du véganisme que je parlerai.

Suis-je réaliste ou pessimiste en disant que l’avenir du véganisme, en France, n’est, si j’ose dire, pas pour demain ?… Certes les choses évoluent, mais ce pays, sur toutes les questions majeures, accumule un retard pour ainsi dire génétique. Il n’est pas dans l’ADN de la France de se soucier du sort des animaux, pas plus qu’il n’est dans son ADN d’être féministe. Dernièrement, j’ai fait la connaissance d’une jeune professeure d’origine française qui enseigne à Cambridge. Bien que non végétarienne, elle me confia qu’elle était chaque fois sidérée, lorsqu’elle revient dans son pays natal, par la façon dont on y traite les végétar/liens et par la nature des arguments qu’on leur oppose. Elle ajouta que lesdits arguments ne sauraient être proférés en Grande-Bretagne, pour la bonne raison qu’ils paraîtraient totalement dépassés et ridicules à n’importe quel citoyen britannique. Cela donne une idée de la lenteur avec laquelle la France intègre les idées nouvelles en matière d’éthique. Aussi devrons-nous attendre encore longtemps que nos concitoyens prennent à grande échelle conscience du problème et modifient leur comportement en conséquence. Mais tout n’est pas perdu pour autant. Tout commence en fait, et c’est déjà une grande victoire que d’assister à la naissance d’une prise de conscience. La nature humaine étant ce qu’elle est, il faut également compter sur les effets positifs de la mode. Or, le véganisme est à la mode — ou tout au moins le végétarisme, sa négative et pâle version, sa version consensuelle pourrions-nous dire, qui ne fait peur à personne —, ce qui est visible à travers la pléthore d’ouvrages plus ou moins sincères fleurissant sur les étalages des librairies depuis trois ans, et signés de noms célèbres. Reste à savoir si une mode peut survivre à elle-même, si elle constitue le prélude d’une évolution massive des mœurs ou si elle n’est rien d’autre que passagère.
Je crois que les Occidentaux, d’une manière générale, sont en train de changer de regard sur l’animal. On le constate en tant que militant : alors qu’il y a encore moins de dix ans nous étions hués, nous voyons bien que l’opinion commence à nous prendre au sérieux. Je n’en dirais pas de même de nos dirigeants. Les hommes et les femmes qui gouvernent les nations sont presque systématiquement en retard sur le peuple qui les élit. Tout se passe donc dans la société. C’est entre les mains des citoyens que repose l’avenir, et même, dirais-je, la possibilité de l’avenir, tant celui-ci est menacé par nos excès. Il faut bien comprendre que la consommation des animaux est une pratique archaïque, et que tant qu’elle sera nôtre, nous ne serons pas sortis de la barbarie primitive.

Par conséquent, si nous sommes réellement au début de notre évolution, alors l’avenir est devant nous, et il n’appartient qu’à nous de le rendre possible.

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Portez-vous bien !
 Florian KAPLAR
© Naturo-Passion.com

7 réflexions sur “Bêtes humaines ? pour une révolution végane

  • Bonjour, il nous intéresserait de connaitre les raisons de la divergence de vue de Meryl sur la préface de Michel Onfray

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  • Pour vous répondre rapidement, cher Michel, cette préface reflète la position tout à fait intenable de son auteur, autant devant la raison que devant lui-même. Onfray reconnaît en effet que les végans n’ont pas tort tout en semblant le déplorer intérieurement, si bien qu’il fait marche arrière tout au long de son texte (qu’il ponctue de petites choses sarcastiques voire condescendantes) chaque fois qu’il les dépeint positivement. Cela donne donc une préface très sciemment ambiguë, où l’auteur reprend d’un côté ce qu’il accorde de l’autre.

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  • Méryl Pinque est lucide sur l’évolution du mouvement végéta*ien en France, mais bien sévère avec les végétariens. Tout le monde n’est pas appelé à devenir un militant végane pur et dur. Une attitude trop radicale peut même s’avérer contre-productive en provoquant un blocage chez les omnivores, retardant ainsi leur évolution, soit le contraire du but recherché. Pour convaincre, on devrait toujours inciter les gens à réfléchir sur leur comportement, sans les juger. Autrement le véganisme restera un repoussoir, conforme à la propagande des lobbies.

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  • J’ai une sincère admiration pour le courage des végans, mais si les propos de Méry Pinque envers les végétariens reflètent l’esprit des végans, leur intolérance et le ton péremptoire peut desservir leur cause par tant de déclarations radicales.
    Selon elle,les végétariens nuiraient autant que les omnivores. Imaginons un monde où chacun deviendrait végétarien : plus d’abattoirs, plus de bétail parqué dans des conditions indicibles et dont la nourriture est tout sauf celle pour laquelle il est conçu etc… Peut-elle soutenir que les végétariens nuisent autant que les omnivores ? A-t-elle fréquenté des végétariens qui, dans la majorité, mangent des œufs de poules élevées de manière décentes, mangent des fromages issus du lait de vaches nourries dans les prés avec de l’herbe ? Sait elle que les végétariens on un souci constant de ne pas acheter des produits dérivés des animaux élevés en batterie ? Peut-elle soutenir que les végétariens nuisent autant que les omnivores encore une fois ?
    Alors que le monde animal est terriblement, incommensurablement cruel (les animaux sont dévorés vivants), il me semble que le végétarien qui décide de ne pas le faire parce qu’il a le CHOIX a droit à un peu de considération de la part des végans.
    Je suis végétarienne mais j’évite de stigmatiser les omnivores parce que je sais qu’il ne sont tout simplement pas prêts, qu’ils n’ont pas encore pris conscience de ce qu’ils font (il faut parfois du temps, car tout dépend “de là où l’on part”). Cela viendra un jour (ou peut-être pas). Ce que je sais surtout c’est que les culpabiliser provoque l’effet inverse. Alors agissons intelligemment et patiemment pour insuffler de manière efficace nos idées, et surtout avec le sourire, à ceux qui n’ont pas encore eu la chance de le devenir.

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    • Merci Mannick d’avoir aussi bien retranscrit votre position et votre ressenti. Je souscris à 100% à cette vision du végétarisme.

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