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Physiologie du jeûne

Eau_jeûnePour comprendre les mécanismes physiologiques du jeûne il faut d’abord considérer le fonctionnement énergétique d’une cellule animale normalement alimentée.
La cellule utilise le glucose de l’alimentation pour produire des molécules énergétiques, l’ATP, essentiellement dans la chaîne respiratoire, en présence d’oxygène.
Le glucose est dans un premier temps transformé par la glycolyse, qui est une voie métabolique anaérobie : elle se déroule en l’absence d’oxygène.
Elle conduit en la production de pyruvate en produisant une faible quantité d’énergie (2 ATP).


Le pyruvate pourra, soit être métabolisé dans une fermentation anaérobie pour produire du lactate ou pénétrer à l’intérieur de la mitochondrie et être transformé en une autre molécule, l’acétyl-CoA qui pourra être intégré au cycle de Krebs et fournir, en présence d’oxygène (aérobie), une quantité importante d’énergie : 36 ATP.
Glucose
En l’absence d’oxygène, l’acétyl-CoA ne pourra pas intégrer le cycle de Krebs et le pyruvate sera dégradé par fermentation.
C’est ce qui se passe dans les muscles lors d’efforts très violents: la consommation de glucose sera très importante car l’énergie fournie par voie anaérobie est très faible par rapport à la voie aérobie.
L’acide lactique va s’accumuler et devra être éliminé rapidement pour permettre à la cellule musculaire de refonctionner correctement.

Que se passe t-il en l’absence d’alimentation?

Dans un premier temps, la glycémie (concentration sanguine du glucose) va diminuer, et lorsqu’elle atteint un seuil critique, le glucagon va être sécrété pour mobiliser les réserves glucidiques stockées dans le foie. c’est la phase d'”urgence” du jeûne. Elle dure chez l’homme environ 12 à 24 heures selon les réserves accumulées et l’activité.
L’épuisement des réserves hépatiques entraîne à nouveau une baisse de la glycémie.
L’organisme va alors mettre en route un mécanisme adaptatif qui va produire du glucose à partir de précurseurs non glucidiques: la néoglucogénèse.
Il s’agit d’un mécanisme qui se produit de façon plus ou moins permanente, en fonction des apports alimentaires et dont le but est de maintenir la glycémie constante lorsqu’il y a une diminution des apports en glucides.
Elle se caractérise par la synthèse de glucose dans le foie, à partir des acides aminés issus de l’hydrolyse des protéines musculaires ou à partir des acides gras du tissus adipeux.

Image 2_physiologie jeûne
Cette phase, phase de “jeûne court”, ne peut pas être maintenue longtemps. La fonte protéique serait trop rapide et incompatible avec une survie prolongée. La transformation des acides gras en est trop coûteuse d’un point de vue énergétique pour être efficace sur une longue période.

L’évolution a sélectionné une autre stratégie pour prendre le relais de la néoglucogénèse: après une période de deux à quatre jours, l’organisme va privilégier progressivement une voie métabolique qui se caractérise par une dégradation protéique infime permettant une survie prolongée.
Elle commence entre le quatrième et le cinquième jours de jeûne et pourra durer plusieurs semaines ; elle correspond au “jeûne prolongé”.
L’organisme va utiliser ses réserves en acides gras du tissu adipeux, et les transformer dans le foie en corps cétoniques, selon le processus de la cétogénèse. Trois molécules vont être synthétisées: le β-hydroxybutyrate (en majorité), l’acétoacétate puis l’acétone (volatil il sera éliminé par les poumons si il est en excès).
Image 3_physiologie jeûne
Le cerveau et les muscles sont très avides des corps cétoniques car leur utilisation énergétique est plus rapide que celle du glucose. En effet, les corps cétoniques shuntent la glycolyse cytoplasmique et entrent très rapidement dans la mitochondrie pour être transformé en acétyl-CoA et intégrer le cycle de Krebs.
Dans la cellule musculaire, les corps cétoniques fonctionnant exclusivement en aérobiose, ne sont pas dégradés en lactate, même lors d’efforts violents. Le muscle sera plus efficace et récupèrera plus rapidement.
L’utilisation des corps cétoniques est tout aussi efficace : une molécule d’acétoacétate (avec 4 atomes de carbones) va donner 2 molécules d’acétyl-CoA comme le glucose (avec 6 atomes de carbones).
Image 4_physiologie jeûne

Comment expliquer la mise en place des processus métaboliques du jeûne ?

“Le jeûne provoque un état de stress qui relance les mécanismes de sanogénèse, ou autodétoxification de l’organisme, qui restent d’habitude passifs à cause de notre mode de vie”.
Le stress est un mécanisme d’adaptation au changement de notre environnement, ici l’absence de nourriture.
La privation de nourriture va déclencher une alerte conduisant à un bouleversement hormonal et neuro-endocrinien. La réponse va être, en premier, la mobilisation des réserves énergétiques de l’organisme.
La production des catécholamines, l’adrénaline, la noradrenaline, la dopamine est fortement augmentée. Elles préparent le corps à l’activité physique et psychologique.
Elles exercent une action stimulante au niveau cardiorespiratoire, cérébral et rénal. Elles stimulent la sécrétion du glucagon et donc la glycogénolyse et la lipolyse et inhibent la sécrétion d’insuline.
Ce sont les hormones et les neuromédiateurs de l’éveil et de l’action.
Leurs effets stimulants, notamment sur le cerveau expliquent, en partie, les résultats obtenus par les médecins russes dans le traitement des différentes maladies mentales de leurs patients : le jeûne s’est substitué, parfois très efficacement, aux anxiolytiques ou aux anti-dépresseurs.
Dans la nature, un animal qui n’a pas mangé depuis plusieurs jours doit être en mesure de partir efficacement à la quête de nourriture.
A la suite de la baisse de la glycémie, le glucagon est sécrété. Cette hormone est antagoniste de l’insuline (hormone de “l’abondance”) et agit dans un premier temps sur le foie pour induire la glycogénolyse. Le glucose ainsi obtenu est libéré dans le sang et la glycémie est corrigée. Les réserves de glycogène étant limitées (12 à 24 heures), le glucagon va, avec l’adrénaline, favoriser l’hydrolyse des triglycérides en libérant du glycérol et des acides gras qui pourront être utilisés pour le métabolisme énergétique.
La leptine, hormone de la faim, joue un rôle clé dans la régulation des dépenses énergétiques et le contrôle de la satiété. Elle agit sur des récepteurs de l’hypothalamus ou elle inhibe l’appétit. Elle inhibe la sécrétion d’insuline et réduit la néoglucogénèse.
La leptine a des effets sur le système circulatoire, pulmonaire et osseux. Il a été démontré qu’elle a un rôle dans la régulation de l’inflammation. Elle interviendrait également dans le contrôle de l’humeur.
La diminution de sensation de faim est confirmée par ceux qui ont pratiqué le jeûne au delà de plusieurs jours. Des chats obèses ou “enrobés”, très portés sur la nourriture et même gloutons, mis à la diète plusieurs jours, arrêtent de réclamer de la nourriture après deux ou trois jours de jeûne (observations personnelles).
Le cortisol
Pendant le jeûne sa sécrétion augmente. Il agit sur le métabolisme glucidique en favorisant, dans un premier temps, la glycogénèse puis la néoglucogénèse. Le cortisol agit ensuite sur la stimulation de la lipolyse.
Son action anti-inflammatoire et immuno-suppressive est largement exploitée en thérapeutique pour soigner, par exemple, les maladies articulaires, les eczémas.
Il agit au niveau sanguin en favorisant le retour des lymphocytes et des polynucléaires éosinophiles (rencontrés dans les réactions allergiques ) dans leurs organes immunitaires (rate, ganglions lymphatiques, moelle osseuse) et en accroissant le nombre de polynucléaires neutrophiles (impliqués dans les phénomènes infectieux).
Au niveau cellulaire, il diminue la sécrétion des cytokines et des interleukines par les lymphocytes T et B, ainsi que la production des facteurs chimique de l’inflammation: prostaglandines, leucotriènes, histamine et enzymes lysosomiales.
Ce sont ces propriétés du cortisol qui expliquent en grande partie les résultats obtenus chez les jeûneurs atteints de maladies articulaires inflammatoires ou sur des maladies cutanées.
Enfin, le jeûne augmente la concentration sanguine en sérotonine, l’“hormone du bonheur”. Tout comme les catécholamines, elle joue un double rôle d’hormone et de neurotransmetteur du système nerveux central. Elle est impliquée dans la régulation du cycle circadien et dans divers désordres psychiatriques tels le stress, l’anxiété, les phobies et la dépression.
Elle est utilisée à des fins thérapeutique pour soigner ces pathologies. Le Prozac agit sélectivement sur la recapture de la sérotonine dans la fente synaptique.
La sérotonine est impliquée dans la régulation de fonctions telles que la thermorégulation, les comportements alimentaires et sexuels, le cycle de veille sommeil, la douleur, l’anxiété et le contrôle moteur.
L’augmentation de sa sécrétion ainsi que celles des catécholamines expliquent les résultats obtenus par les médecins russes dans le traitement de bon nombre de maladies mentales.
Par contre, durant le jeûne, d’autres molécules vont avoir une concentration plasmatique fortement diminuée: le glucose, l’insuline, l’Insuline Growth factor 1 (IGF-1), le cholestérol, les triglycérides. La baisse du cholestérol aura une influence sur la pression sanguine en réduisant son accumulation sur les parois artérielles.
Les mécanismes adaptatifs et universels mobilisés pendant le jeûne vont permettre à l’organisme de survivre relativement longtemps en préservant sa masse musculaire tout en stimulant ses capacités psychiques.
Les hormones mobilisées lors de cet état physiologique vont permettre une détoxification de l’organisme et, parfois, de guérir des pathologies chroniques résistantes aux traitements exclusivement médicamenteux.
Les résultats les plus intéressants sur l’homme ont été constatés sur l’arthrite rhumatismale, l’hypertension, le diabète et l’obésité, certaines maladies dermatologiques, l’anxiété et le burn-out.
Pour l’obésité, il a été constaté, qu’après une diète, le comportement alimentaire des patients était très positivement modifié et que la reprise de l’alimentation ne s’accompagnait pas, dans la plupart des cas d’une reprise de poids : le recours à une alimentation plus saine permet de revigorer son capital santé.
Ceci est probablement dû, aussi, au fait que le jeûne est un processus décidé volontairement par des individus consentants et motivés pour améliorer leur état de santé et décidés à être les principaux acteurs de leur santé.
Le jeûne ne remplace pas le médicament ni toutes les découvertes que la médecine allopathique a pu nous apporter, mais il permet de donner à son organisme des armes pour lutter contre les excès de notre mode de vie.
Au lieu d’une politique du “tout médicament”, il nous révèle que la nature nous a donné des armes très efficaces pour nous battre, il serait dommage de ne pas nous en servir.
Grâce à la cétogénèse, le jeûne est un processus “d’adaptation métabolique mobilisant les réserves d’énergie provenant du tissu adipeux et préservant les protéines viscérales et musculaires”.
Cette épargne protéique pourra être maintenue jusqu’à ce que 80% du tissus adipeux ait été mobilisé. On considère qu’un adulte mesurant 1m70, pesant 70 kg, possède 15 kg de graisse. S’il est en bonne santé, il pourra supporter sans danger, un jeûne de 40 jours.
Au delà, les taux plasmatiques d’acides gras et de corps cétoniques vont s’abaisser rapidement tandis que la glycémie va s’élever, la néoglucogénèse reprenant le catabolisme des acides aminés pour produire du glucose. L’organisme entre dans la phase terminale du jeûne  ou limite de l’adaptation au jeûne.
Au delà d’une consommation critique des protéines, le prolongement du jeûne va être responsable d’une forte morbidité ou mortalité.
Un suivi médical est vital à partir de la 4ème semaine, suivant l’état de santé, les conditions du jeûne et la nature des réserves au départ du jeûne. Dès que la glycémie remontera, il s’agira de stopper le jeûne pour éviter les pertes protéiques très préjudiciable (la quasi totalités des jeûnes sous contrôle médical dépassent rarement trois semaines et sont souvent d’une durée de 2 semaines évitant ainsi tout risque d’atteinte à l’intégrité de l’organisme).
Ces précautions n’avaient pas pu être prises pour les prisonniers de l’IRA en 1981; ils avaient refusé toute assistance médicale. Bobby Sands mourut au bout de 66 jours de jeûne.
Neuf de ses codétenus moururent après 59 à 73 jours de grève de la faim. Une grève de la faim avait été effectué l’année précédente par sept nationalistes emprisonnés : elles fut stoppée au bout de 53 jours sans perte humaine pour les grévistes.
Un jeûne prolongé au delà d’une certaine durée provoque immanquablement la mort. Cette durée varie selon les individus et peut atteindre plus de 85 jours.
Exprimé en terme de masse corporelle (IMC), une valeur inférieure à 12-13 kg/m² est en principe synonyme de décès, bien que des récupérations aient été décrites chez des patients, jeunes et dénutris, avec des IMC de 8-9 kg/m².
Reproduit avec l’aimable autorisation du Docteur Frédéric HEBRAUD
Portez-vous bien !
 Florian KAPLAR
© Naturo-Passion

5 réflexions sur “Physiologie du jeûne

  • Marie-Josée Parent

    Avez-vous des suggestions de jeûne? Plus jeune j’ai fait un jeûne au jus de citron, eau, sirop d’érable et cayenne. Maintenant à 50 ans je préconise des méthodes en douceur. J’ai également vu un jeûne à 500 calories par jour. Je ne suis pas contre un jeûne complet pour 24 h ou même 48 heures (eau, tisane). Par ailleurs, je cherche une formule saine et équilibrée.
    J’aimerais également être en mesure de prendre le ph de mon corps. Avez-vous une méthode? Urine, salive ou seulement par une prise de sang?
    Merci pour votre passion et votre partage d’information.
    À suivre.

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  • Marie-Josée Parent

    oups, je me réponds un peu moi-même, je crois que je vais poursuivre la découverte de votre site. merci.

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  • Bonjour,
    comment combattre alors le fait que les femmes n’utilisent pas comme il faudrait la leptine (après les grossesses, régimes, jeûnes etc)??
    Leptine qui aide à réguler la dépense énergétique et donc la perte de poids de ce que j’ai lu… Après les grossesses et les régimes, l’efficacité de la leptine diminue… est-ce pareil pour le jeûne ou non et si ce n’est pas le cas, comment et pourquoi? ou est-ce que cela n’a pas été étudié car comme dans beaucoup d’études, on omet les spécificités du fonctionnement féminin?

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  • Merci pour cet article, ce document très complet. Je pratique le 16/8 depuis deux mois, pas mal de points positifs. Je vous précise que j’ai 57 ans sans surpoids, juste pour “voir”…J’ai deux questions: en premier peut on prendre des compléments/médicaments durant la période de jeun. Deuxièmement, quand privilégier l’entraînement pour une efficacité optimale (Musculation fitness vélo) par rapport aux différentes modifications hormonales…
    Merci encore pour tous vos articles. Loïc.

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