CancerPhytothérapie

Mon étude personnelle pour le BTS diététique, en lien avec la phytothérapie

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J’ai le plaisir de vous partager la réflexion que j’ai conduite dans le cadre de l’étude personnelle du mémoire du BTS diététique.

Phytothérapie et diététique :
“Les plantes médicinales de qualité culinaire peuvent-elles présenter un intérêt pour atténuer les effets secondaires des traitements chez le patient atteint de cancer ?”

I- Problématique

Lors du CLAN (Comité Liaison Alimentation Nutrition) 2016 de l’hôpital La Pitié Salpêtrière intitulé « L’alimentation, un atout contre le cancer », j’ai fait la rencontre d’un intervenant atypique, Philippe POUILLART, docteur en immunopharmacologie, enseignant chercheur, ainsi que spécialiste en pratique culinaire et santé à l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais. Nous avons longuement échangé après son intervention et il m’a transmis de la documentation sur ses travaux. Coïncidence ou non, cette présentation de haut niveau arrivait à point nommé au cours de mes stages et contribuait à nourrir ma réflexion sur l’association des approches diététiques et phytothérapeutiques.
La présentation de Philippe Pouillart portait plus précisément sur les troubles du goût des personnes traitées pour un cancer mais aussi, plus généralement, sur l’impact de l’alimentation et de certaines plantes ou épices sur les effets secondaires des traitements contre le cancer (radiothérapie, chimiothérapie et immunothérapie).
L’assistance de ce CLAN était composée essentiellement de diététiciens. Ils ont pu prendre connaissance de cette problématique plutôt méconnue et qui préfigure à mon sens une nouvelle vision, globale et pluridisciplinaire, de la santé en général et du métier de diététicien en particulier. Le propos développé ici n’a d’autre but que de sensibiliser à la question. Sans nul doute qu’il suscitera quelques interrogations mais mon objectif est d’éveiller la curiosité à ces pratiques et d’ouvrir la réflexion.
Dans un premier temps, j’aborderai cette problématique diététique/phytothérapie/soins de support du cancer avec une présentation des passionnants travaux de l’équipe de Philippe Pouillart puis dans un second temps je livrerai les résultats d’un questionnaire que j’ai élaboré à l’attention des diététiciens. L’analyse des 232 réponses nous donnera quelques indications sur la vision qu’ont aujourd’hui les diététiciens de la phytothérapie.

II- Les travaux de Philippe Pouillart

1. Le programme NEODIA

En plus de la cachexie cancéreuse (affaiblissement profond de l’organisme, lié à une dénutrition très importante), les effets secondaires aux traitements ont un impact sur la dégradation de l’état nutritionnel du patient. On observe que l’efficacité de la chimiothérapie chez le malade dénutri est moindre et le pronostic de guérison affecté.
Le programme d’étude observationnelle NEODIA porté par l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais depuis 2010, travaille à mieux comprendre le quotidien des malades qui doivent vivre avec une modification de l’espace du mangeable et qui sont exclus de leur cuisine. A travers le site internet « vite fait bienfaits® », l’objectif est de compléter les recommandations alimentaires et culinaires actuelles pour prévenir ou atténuer les effets secondaires majeurs. Le programme est labellisé par l’Agence Régionale de Santé (ARS) et le Ministère de l’Agriculture à travers le Programme National Alimentation (PNA).
En 2014, le programme a mené une enquête sur l’offre alimentaire au Centre hospitalier de Beauvais (CHB) dont la restauration fonctionne en gestion directe. Les remarques des patients développées plus loin constituent un véritable cahier des charges permettant de faire évoluer les pratiques culinaires en restauration santé autogérée ou concédée.
Les diététiciens des services de soin en oncologie ont pour mission de transmettre des recommandations nutritionnelles au malade pour améliorer son soin à domicile, face aux symptômes de la maladie et aux effets secondaires des traitements, invalidants. La maladie autrefois constamment mortelle, est devenue chronique, dans la mesure où une chimiothérapie au long cours permet aujourd’hui de la stabiliser, même dans les stades métastatiques.

L’approche nutritionnelle, auparavant considérée comme secondaire par le praticien de soins compte tenu du pronostic vital rapidement engagé, est aujourd’hui au premier plan.

Selon les situations, les patients peuvent présenter des distorsions olfacto-gustatives, des difficultés de déglutition, des déchaussements dentaires, des aphtes, une gingivite, un desséchement de la muqueuse buccale, des douleurs d’estomac et de l’intestin, des nausées, des problèmes cognitifs, une constipation ou, à l’inverse, une diarrhée. Ils doivent vivre avec des symptômes qui ont un impact sur l’acte alimentaire, qui sont source d’inconfort, de fatigue ou de douleurs et sont directement ou indirectement liés à l’état de dénutrition. Ils sont exclus de leur cuisine alors que l’acte alimentaire est plus que jamais déterminant pour optimiser le bénéfice des traitements. La cachexie est présente chez un patient sur deux en oncologie. Elle induit une asthénie, une anorexie, une satiété précoce et une anémie. La chimiothérapie cytotoxique crée, de plus, une dépense énergétique qui constitue un facteur de risque supplémentaire de dénutrition. Cette dénutrition essentiellement iatrogène est mise en cause dans 25 % des décès, les cliniciens estimant que l’efficacité de la chimiothérapie chez ces patients est affectée, la toxicité augmentée, la performance altérée et le pronostic d’autant aggravé.
Le site internet “Vite fait bienfaits®” du programme NEODIA permet de s’informer sur les principaux effets secondaires et de les moduler grâce à l’utilisation de techniques culinaires adaptées et l’usage d’épices et de plantes aromatiques spécifiques.

2. L’enquête au CHB de Beauvais

L’enquête précitée inclut 41 patients majeurs traités par chimiothérapie depuis 3 à 6 mois. Parmi eux, 17 % reçoivent également une radiothérapie. L’échantillon, composé de 44 % de retraités, est constitué de 56 % de femmes et 44 % d’hommes, âgés de 45 à 60 ans. Les hommes sont traités principalement pour un cancer colorectal ou un cancer du poumon. La plupart des femmes le sont pour un cancer du sein. Le questionnaire porte sur les troubles ressentis depuis le début du traitement et la perception des repas à domicile et à l’hôpital. Au total 107 questions sont posées : sur le déroulement de la journée alimentaire (qualitatif, quantitatif, motifs des changements) ; les préférences de produits (formulations nutritionnelles, textures, marques, présentations, signes de qualité, évocation des représentations du produit…) ; le lien, positif et négatif, avec les symptômes apparus depuis la mise en place des traitements. Les patients sont interrogés sur leur niveau de connaissances concernant les recommandations diététiques qu’ils ont reçues durant leur parcours de soins et leurs sources d’information.
Après les premières séances de traitement, les malades présentent une fatigue (90 % d’entre eux), des nausées (plus de 63 %), une hypogueusie (forme atténuée de la perte du goût) accompagnée d’un changement du goût des aliments (73 %), une perte d’appétit (49 %), une sécheresse de la muqueuse buccale (40 %) et/ou une constipation (40 %). Ils ont également la sensation d’être rassasiés rapidement (51 %).

3. Les résultats de cette enquête

La majorité des patients sont conscients que l’alimentation a des effets sur le corps, 68 % pensant que certains aliments doivent être favorisés ou, à l’inverse, évités selon leur situation personnelle.

Les patients estiment pour 66 % d’entre eux avoir reçu des recommandations hygiéno-diététiques suffisantes et satisfaisantes, dispensées par les diététiciennes des services oncologie de l’hôpital qui assure les soins, le CHB.

Résultats de l’enquête
Saveur des plats
C’est le critère jugé le plus important (90 % des patients interrogés). Le sens gustatif est d’ailleurs le plus altéré par les traitements : 67 % des patients sont touchés par l’hypogueusie et les déviances des saveurs.
Odeurs
Ce sont notamment celles dégagées par les plats chauds qu’il faut gérer en priorité selon 73 % d’entre eux afin de contribuer à limiter les nausées et vomissements.
Quantité d’aliments présentés
Depuis la mise en place du traitement, le volume des repas pris à la maison est moindre chez 57 % d’entre eux.
Fréquence des repas et collations
La question sur la fréquence des repas et des collations au CHB réunit 83 % de satisfaction. Les patients accueillis en hôpital de semaine souhaitent con-server les trois repas journaliers.
Température des plats
C’est un critère jugé essentiel à prendre en compte pour 71,5 % des patients, et cela pour différentes raisons, auxquelles ils se sont adaptés. Les personnes particulièrement sujettes aux nausées ou aux inflammations buccales man-gent les aliments à température ambiante ou froids, participant à engourdir la bouche. Celles qui présentent une diarrhée évitent l’ingestion d’aliments froids.
Présentation des plats
Les patients sont, à 70 %, très attentifs à la présentation des aliments dans l’assiette depuis la mise en place de leur traitement. En outre, ils sont 63 % à vouloir séparer la source de protéines et sa sauce, d’une part,
de l’accompagnement, d’autre part.
Couleur des aliments
59 % souhaitent un plat dans lequel la couleur naturelle des ingrédients est préservée, non altérée par la cuisson.
Texture des aliments
63 % des patients choisissent les plats aux ingrédients les plus souples et coupés en morceaux dans l’offre de l’hôpital.

Les résultats montrent que les comportements alimentaires, déjà largement altérés depuis la prise en place du traitement et impactant le quotidien, se dégradent significativement en milieu hospitalier. Les établissements hospitaliers peuvent considérer les remarques pertinentes des patients telles qu’elles ressortent de cette enquête comme autant d’éléments à intégrer dans leur cahier des charges pour l’amélioration continue de leur offre de restauration en oncologie.
C’est donc en toute logique que Philippe Pouillart a mis en avant une piste intéressante qui présente le double avantage d’améliorer la qualité olfacto-gustative de l’alimentation en restauration hospitalière tout en aidant à atténuer les effets iatrogènes endurés par les patients. L’idée consiste à intégrer dans des recettes conçues dans cette optique des plantes et épices à usage culinaire dont les propriétés thérapeutiques ont été validées par la science.


4. La sélection de 18 plantes et épices proposée sur le site Vite fait bienfaits®

Les 18 plantes et épices retenues sont :
– le thym pour soulager les problèmes en bouche
– le sureau noir pour faciliter le transit intestinal
– la sauge contre la fatigue
– le pruneau pour son action laxative
– la menthe poivrée en cas de nausées et de vomissements
– la mauve pour apaiser les problèmes en bouche
– le lin pour ses effets laxatifs
– les baies de Goji pour fortifier
– le ginseng pour comabttre la fatigue physique et mentale
– le ginkgo pour apaiser les troubles cognitifs
– le gingembre en cas de nausées et de vomissements
– le fenugrec en cas de déviances olfacto-gustatives
– le citronnier (fruit) en cas de diarrhée
– la carotte en cas de problèmes de peau
– la cardamome pour atténuer la diarrhée
la boldo en cas de troubles digestifs
– le basilic en cas de déviances olfacto-gustatives


Pour illustrer le potentiel thérapeutique de ces plantes, prenons le cas des troubles digestifs induits par les médicaments de chimiothérapie : douleurs abdominales, dyspepsie (troubles fonctionnels digestifs) ou encore reflux gastro-œsophagien.
Outre les classiques règles hygiéno-diététiques à conseiller en pareille situation (notamment fractionnement de l’alimentation, mastication, hydratation, etc.), les troubles gastro-intestinaux chimio-induits peuvent être soulagés par ces deux plantes (entre autres) : le fenouil (Foeniculum vulgare Mill.) et le thym (Thymus vulgaris L.).
Le site Vite fait bienfaits® propose cette recette qui apaise les troubles digestifs et qui se déglutit aisément : le “Velouté de fenouil et son nuage de crème dont voici les ingrédients :


• 1 bulbe de fenouil
• 1 blanc de poireau
• 3 pommes de terre
• 1 carotte
• 1/2 L de bouillon de volaille
• 1 jaune d’œuf
• 7,5 cl de crème fraîche
• 1 c. à soupe d’huile d’olive
• 1 pincée de feuilles de thym
• Sel, poivre.

 


III- La phytothérapie vue par les diététiciens

Pour percevoir le niveau de connaissances des diététiciens sur la phytothérapie et l’intérêt qu’elle peut apporter en complément des soins diététiques, j’ai élaboré un questionnaire mis en ligne sur les réseaux sociaux fréquentés par les diététiciens. L’ampleur du nombre de réponses reçues, 232 (dont 95% de femmes), montre que le sujet de l’étude intéresse les diététiciens beaucoup plus que je ne l’imaginais. Nombreux sont ceux qui ont laissé une adresse mail et ont demandé à être informés des résultats.

Un premier chiffre : 95% connaissent la définition de la phytothérapie.

La tranche d’âge la plus représentée est la tranche 20-29 ans (45%) suivie de la tranche 30-39 ans (25%) et de la tranche 40-49 ans (14%). Les répondants exercent pour la moitié d’entre eux en établissement de soins et pour un tiers en activité libérale.
Après une brève présentation des travaux de Philippe Pouillart, je leur ai demandé s’ils avaient connaissance de la possibilité d’utiliser des plantes et épices comme aliments pouvant atténuer les effets indésirables des traitements contre le cancer.
Ils ont été 51% à répondre favorablement, le sujet n’est donc pas inconnu. Mais sans surprise, seuls 15% ont été en mesure de pouvoir indiquer précisément que le gingembre et la menthe poivrée étaient les deux plantes proposées dans la liste qui pouvaient diminuer les nausées et les vomissements des patients traités par chimiothérapie. Les répondants avaient la possibilité de s’auto-corriger en se rendant sur le site Vite fait bienfaits®.

Dans leur pratique professionnelle, les diététiciens répondants sont 45% à avoir été déjà amenés à conseiller l’usage de plantes et 44% (souvent : 11% ; parfois : 33%) ont été confrontés à des questions de la part de leurs patients sur les propriétés des plantes médicinales. Ce dernier pourcentage s’élève même à 85% si l’on prend en compte la catégorie de réponse “rarement”(41%). Un chiffre qui indique, sous réserve, puisqu’il ne s’agit pas d’un sondage scientifique, que la phytothérapie est véritablement en adhérence avec le travail du diététicien.

Les répondants sont d’ailleurs près de 60% à affirmer que le diététicien pourrait, en tant que professionnel de santé, conseiller l’usage des plantes. Ceux qui ont répondu non avancent prudemment que le diététicien n’est pas formé pour cela, ce qui est exact en ce qui concerne la formation initiale.
Malgré l’intensité du cursus du BTS diététique, actuellement sur deux ans, 81% des répondants sont favorables à un enseignement en formation initiale sur les principales plantes médicinales utiles en diététique. Dans le même temps, ils sont 87% à indiquer être intéressés pour suivre une formation universitaire de phytothérapie afin d’ajouter une compétence à leur pratique. Seuls 13% n’y voient donc pas d’intérêt.


IV- Conclusion : Un malade accompagné est un malade qui guérit plus vite

Comme évoqué dans la partie dédiée au stage à thème optionnel, les Français sont toujours plus nombreux à solliciter des soins à base de plantes.
L’étude personnelle que j’ai brièvement développée ici à partir de la présentation d’un intervenant au cours d’un CLAN montre que la phytothérapie, à la lisière de la cuisine et de la diététique, améliore le confort de vie de nombreux patients traités pour un cancer.
Elle montre aussi que le professionnel de santé qu’est le diététicien a sa place à prendre dans un système de soins intégrant la phytothérapie. Au vu des réponses qui m’ont été faites, il semble qu’il y soit prêt. Qu’il soit spécialisé en oncologie ou non, le diététicien se doit de tout faire pour stopper la détérioration du statut nutritionnel de ses patients atteints de cancer. Outre les conseils hygiéno-diététiques et les ateliers d’éducation thérapeutiques qu’il dispense déjà, le diététicien pourrait disposer avec la phytothérapie, si l’impulsion en était donnée par les autorités, d’un outil thérapeutique prometteur en soins de support.
Nul doute que cette approche, qui va selon moi dans le sens de l’attente des patients et d’une meilleure prise en charge médicale et nutritionnelle, ferait évoluer le jeune métier de diététicien que j’ai décidé d’exercer.

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Portez-vous bien !
 Florian KAPLAR
© Naturo-Passion.com

2 réflexions sur “Mon étude personnelle pour le BTS diététique, en lien avec la phytothérapie

  • Merci pour toutes ces recherches bravo pour la synthèse !

    Répondre
  • Bonjour,
    Votre étude est intéressante, même pour un “batracien” comme moi…
    Je profite de ce lien pour vous poser une question que je souhaiterai voir répercutée vers un (une) laborantin (tine) qui soit en mesure de faire une analyse au moins sommaire des feuilles et des bulbes d’AÏL TRIQUETRE. Ici, en Bretagne, c’est considéré comme invasif et sujet à éradication, alors que c’est aussi esthétique que du muguet, et fort agréable à consommer (feuilles coupées ou bulbes hachés); mais il manque des indications pour éviter les contre indications éventuelles les excès éventuels (de quoi ?).
    Je peux éventuellement en fournir par kilos.
    Salutations

    Répondre

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